Gravité, Stephen Baxter

Une nébuleuse limpide

Enfin un tome 1 qui donne envie de lire la suite du cycle. Contrairement à beaucoup d’auteurs qui se contentent d’une introduction à leur univers, Baxter livre ici une histoire à part entière, profuse en décors et en personnages, où se succèdent des péripéties qui font vraiment évoluer l’intrigue. J’ai horreur des romans qui stagnent et demandent 300 pages d’effort avant d’ouvrir une nouvelle porte.
Bon, encore une fois, comme avec Le Problème à trois corps ou L’Espace d’un an (pour ne citer qu’eux), le terme “hard-SF” est un peu employé à tort et à travers ; à force de lire des chroniques allant dans ce sens, je commence à me dire que je suis peut-être astrophysicien sans le savoir XD Lisez Diaspora, d’Egan, ou L’Oeuf du Dragon, de Forward, les gens, vous comprendrez la différence entre un roman qui intègre des éléments scientifiques au récit et un roman qui utilise la science comme base de son histoire.
D’autant plus lorsque l’auteur nous ménage et introduit les notions physiques par petites touches, avec un réel souci d’équilibre. Comme le titre l’indique, il est question de gravité ; ça va, on ne peut pas dire qu’il s’agisse de la force fondamentale la plus abstraite, si ?

Passé la découverte d’une nébuleuse à l’atmosphère respirable et des descriptions pas toujours efficaces, j’ai pris un grand plaisir à suivre les habitants de la Ceinture, du Radeau (et autres surprises) tandis qu’ils se débattent dans cet écosystème inhospitalier. Une ouverture in medias res, où les origines de cette humanité livrée à elle-même échappent à la mémoire collective, nous propose deux groupes de réfugiés distincts, commerçant l’un avec l’autre – par nécessité -, mais se dénigrant l’un l’autre – par ignorance. Un schéma plutôt classique, fidèle à ce que les sociétés humaines ont toujours engendré, qui va finalement transcender cette haine et ce dénigrement de classes dans le but de sauver l’espèce. Classique, néanmoins philosophique et, parfois, poétique. Heureusement, le petit groupe d’esprits scientifiques mène peu ou prou la barque (proue… la barque… tu l’as ?)
Une science-fiction spatiale, oui, mais fantaisiste à bien des égards : d’autres lois régissent cet univers, des créatures originales l’habitent… Et pour cause ! (Chronique sans divulgâchage.) Les humains en ont domestiqué certaines ; d’autres, mythiques, vont se révéler messianiques.
Des affrontements et des heurts souvent lus en science-fiction, mais l’univers et l’urgence dans lesquels ils interviennent apportent cette touche de fraîcheur qui fait se succéder les pages. Des personnages rendus attachants et crédibles par une souffrance intrinsèque à leur condition d’émigrés ainsi que par une résignation palpable. Rees, héros malgré lui, questionne les origines. Il va cristalliser et métamorphoser cette résignation en un espoir pour cette humanité à la dérive. Trame narrative sans surprise, mais redoutablement efficace dans ce cas précis.
Les personnages féminins ne sont pas légion, c’est dommage car je pense que la psychologie du Radeau aurait été plus complète en intégrant cette part essentielle de l’humanité. Il faut croire qu’en temps de guerre et de survie, ces dames n’ont point leur mot à dire (même constat que sur Le Monde du fleuve, de Farmer).
Le style est très agréable, facile à lire, rythmé et entraînant. A peine quelques répétitions et ficelles grossières, mais là c’est l’auteur pointilleux et le lecteur exigeant qui s’exprime.

Je pressens que la suite du cycle des Xeelees proposera aventures passionnantes et dépaysement. Enfin un auteur qui m’emporte dans son univers. Je commençais à désespérer, car je n’ai presque plus d’Herbert à lire…

Laisser un commentaire